2009-09 Elegy Magazine (by Laurent Catala)
1/ Peux-tu me retracer rapidement l'historique du groupe et les étapes discographiques, le premier single et les deux albums, Descension et Finsternis ?
Nous avons formé Aluk Todolo en mars 2004, au retour de grands voyages. Après de longues sessions d'improvisations rituelles matinales dans l'obscurité totale, nous avons enregistré un premier 7ep en 2005. Il est sorti en 2006 sur Implied Sound (usa). Nous avons ensuite été séparés géographiquement entre Paris Lyon et Grenoble, mais avons enregistré notre premier album Descension en 2006. Nous avons repris les concerts en 2007, et avons enregistré notre second album Finsternis en 2008.
2/ Votre dernier album paru, Finsternis, s'articule autour d'un long morceau et semble synthétiser cette lenteur spectrale structurée et lancinante qui est la marque de fabrique du groupe, mais lors du concert au Pixi, vous ne l'avez pas joué? Est-ce un projet un peu à part de ce fait ?
La différence entre studio et live est effectivement très marquée chez nous.
Chaque enregistrement est un projet à part, un feeling, un concept que nous essayons de pousser à son paroxysme. Il ne s'agit pas tellement d'interprétation, mais de composition, de textures, de sons purs, pour eux même, d'impressions que le mix va encore accentuer.
Nous considérons le mixage comme une étape extrêmement importante de la création d'un album, et ce processus peut durer très longtemps, parfois presque un an comme ce fut le cas pour nos deux derniers albums. C'est pratiquement un processus alchimique de révélation. Plus concrètement, nous écoutons de manière prolongée et à très haut volume sonore nos enregistrements jusqu'à ce que l'on soit à même d'en saisir la sève, c'est à dire d'entendre certaines harmonies ou structures pas forcément évidentes lors d'une première écoute, cachés dans le replis de la distorsion, de la brutalité des timbres, voire de l'intention ayant donnée naissance à chaque son, qui est ce que l'on pourrait appeler l'âme de notre musique .
Quant aux concerts, ils sont basés sur la canalisation de certaines énergies, retransmises de manière beaucoup plus directe et frontale que dans nos albums. Ils sont une autre facette d'Aluk Todolo, pas moins importante, mais bien complémentaire de notre travail sur album. Nous avons joué au Pixi des morceaux du premier Ep et de Descension mais sous des formes nouvelles. L'intensité, l'énergie, l'osmose et la transe priment avant tout. Le volume élevé auquel nous jouons permet à l'auditeur d'entendre ou de ressentir ces sons « secrets » que j'évoquais plus haut et que nous cherchons à révéler en studio.
3/ Sur disque, votre musique semble procéder d'un équilibre entre une certaine lourdeur et noirceur doom/black mélangée à une motricité rythmique très influencée par le krautrock (Can, Faust, This Heat, ce genre de groupes). Quelles sont vos véritables influences musicales ? de quel univers vous sentez-vous le plus proche ? comment procédez-vous pour atteindre cet équilibre hypnotique original, à la fois atmosphérique et mécanique dans vos morceaux ?
À la base il y a le rock : batterie + basse + guitare. Il est difficile de parler d'influences véritables, nous écoutons tous dans le groupe énormément de musique, d'horizons très variés. Et nous participons tous trois à la composition des morceaux. Au départ, nous venons du black metal, c'est dans cette scène que nous avons fait nos premières armes, mais le rock psyché, la musique expérimentale, la new wave, no wave, etc ont toujours fait partie des nos influences. Nous avons toujours recherché des groupes obscures, déviants. Pour citer quelques groupes en vrac: ildjarn, the black, the nazgul, dom, burzum, joy division, popol vuh, weakling, traumatic voyage, amon duul, tony conrad... la liste est longue, voir infinie. Mais aussi différentes soient elles, il existe des liens unissant toutes ces musiques: l'absence de règles lors de la composition, la transe lors de l'exécution, et surtout une dévotion quasi fanatique du musicien à son art, la technique et l'individualité étant mis de côté au profit du tout. C'est une approche que l'on pourrait qualifier de religieuse.
Composez-vous par exemple en jammant, sur un mode un peu « improvisé » ?
Au départ d'un morceau (ou d'un album), il peut y avoir des séances d'improvisation d'où émerge une base rythmique, une structure, une sonorité, une ambiance que nous étirons, développons, déconstruisons. Il peut aussi il y a avoir une simple idée, un concept (Finsternis : éclipse) qui appelle une composition. Nous créons la musique d'Aluk Todolo à trois.
Ce qui est clair c'est que nos morceaux ne sont pas basés sur le riffing comme c'est le cas dans le métal.
4/ Lors du concert au Pixi, j'ai aussi trouvé quelques intonations noise/psyché, surtout dans ton jeu de guitares, des trucs qui me faisaient penser à des groupes comme Skullflower. Est-ce une autre influence ??
oui, kraut, noise, black et psyché c'est là dedans qu'on se retrouve.
Skullflower ? Pas directement. Nos influences se retrouvent plus dans le grand écart que dans ce qui pourrait paraître proche de nous à première vue.
5/ Qui fait les pochettes du groupe ou les dessins ésotériques de votre page myspace ? Cette approche un peu mysticisante est-elle simplement esthétique ou est-ce plus profond ?
Nous faisons les pochettes, comme pour les compositions, c'est l'œuvre de nous trois et le résultat de pas mal de discussions.
Bien sur, ce coté mystique est voulu, c'est la base du groupe; Aluk Todolo, ou les anciennes croyances, le chemin des anciens. L'univers visuel, ainsi que son rapport à la musique, est effectivement plus qu'une simple illustration. Chaque élément a un sens et chaque ligne, symbole ou figure présente dans nos artworks peuvent être considérés comme des clés. Au delà de la simple évocation esthétique d'un univers occulte, l'analyse de ces éléments peut, ainsi que fournir certaines réponses à celui qui voudrait analyser nos disques. Plus encore, la combinaison des visuels et de la musique forme véritablement un tout.
A ce jour il n'y a que la pochette de Finsternis qui a été faite par quelqu'un de l'extérieur. Elle a été réalisé par S. Kasner, sous l'influence directe de notre musique. C'était assez déconcertant pour nous, mais au final cette peinture répond à l'album, sans l'illustrer. Ce fut une manière très étrange de procéder pour nous, et bien que satisfaits du résultat, je ne pense pas que nous réitérerons l'expérience. La réédition de Finsternis en cd et vinyl aura d'ailleurs une pochette réalisés par nos soins.
6/ Vous avez publié votre premier disque sur Riot Season /Public Guilt, un label anglais et un autre américain, puis sur un autre label américain (Utech records pour Finsternis), vous faîtes une mini-tournée à New-york, alors que vous êtes plutôt rare sur scène en France et qu'on vous sent assez à l'écart de toute notion de scène, qu'elle soit métal ou parisienne. Êtes-vous délibérément plus tourné vers l'étranger et sur les mini-labels bravant les notions d'étiquette et de genre ?
Tout ce que nous avons fait, que ce soit avec Aluk Todolo ou d'autres projets a toujours eu plus d'attention aux US. C'est comme si pour faire quelque chose en France ou en Europe, il fallait faire partie d'une scène, et brasser avec tels ou tels gens... en France, à Grenoble ou à Paris nous sommes souvent considérés comme un groupe local, avec tout ce qu'il y a de restrictif dedans. Ce n'est pas le cas à l'étranger : aux US ou en Europe.
7/ Un petit mot sur Amortout, le label ??
C'est une structure que je fais avec Matthieu (bassiste d'Aluk Todolo). Nous avons sorti des disques qui nous semblent indispensables (ces 2 titres de BETHLEHEM réunis en vinyl) et transgressant les limites de genre (l'album postmortem de THE GAULT, un monument gothique / psychédélique qui n'avait jamais été sorti, le 1er album de BLACKTHRONE du black/punk putride et détestable, l'album le plus noir de COSTES, les envolées épiques et solitaires d'EGONOIR) .
Récemment nous avons plus développé les événements que les sorties de disques : concert de Der BLUTHARSCH à Paris, soirée de concerts solos, ou Black Noise (marre de cette scène noise toy), expérimental, Black Metal : Lussuria de NY, Nox Factio, Gunslingers, Evil Moisture, etc. Pour les disques comme pour les concerts que nous organisons, il y a une même démarche faire connaître des groupes, des artistes auxquels nous croyons.
8/ Quels projets pour Aluk Todolo dans les prochains mois (attention publication papier novembre)
Au moment ou le papier sort, il y aura ce 4 way split « on the powers of the sphinx » qui sera sorti sur AJNA records (usa) aux côté de : Nightbringer, Nihil Nocturne et Saturnalia Temple.
Nous pensons à la sortie de Finsternis en vinyl. Ainsi qu'à l'enregistrement d'un nouvel album, nous avons plusieurs idées très différentes, reste à savoir laquelle verra le jour en premier...
On va aussi essayer de faire des tournées : Europe du Nord, cote Ouest US.
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