2012-10 Obskure Magazine
1) Vous utilisez le terme d' "occult rock" pour définir votre musique et vous en avez aussi fait le titre de ce double album. Qu'entendez-vous véritablement par cette expression? Est-ce pour faire un lien avec l'occultisme psychédélique des années 70 qu'on pouvait trouver aussi bien dans les films de Kenneth Anger que dans les facettes les plus sombres du krautrock et du rock progressif? En quoi l'occultisme nourrit-il votre création?
AH: Depuis nos début nous utilisons le terme "occult rock" pour définir notre musique, qui soniquement, musicalement, thématiquement, et esthétiquement, traite des pouvoirs cachés du cosmos et de l'esprit, et qui est interprétée exclusivement avec des instruments rock, c'est à dire la guitare la basse et la batterie.
Je crois savoir qu'il y a depuis quelques temps certains groupes qui se réclament de l'occult rock, mais ces derniers interprètent une sorte hard rock un peu cliché, ce qui n'a donc rien à voir avec notre musique.
Pour ce qui est du titre de l'album, il y a un double sens, puisque ce disque, qui s'inscrit dans la continuité thématique de nos précédents albums, est un voyage alchimique décrivant la transformation de la vibration primordiale à travers ses différentes phases élémentales jusqu'à son incarnation en la matière. Tout cela apparaitra clairement à qui écoutera attentivement et regardera de près les sigles de John Dee que l'on peut voir dans la pochette.
2) Chacun des deux disques semble avoir été conçu comme une performance live où tout s'enchaîne. Êtiez-vous dans l'optique de rendre au mieux l'énergie live du groupe dans ce double album?
Avez-vous construit l'album avec des idées précises en tête?
AH: Oui c'est bien ainsi qu'a été conçu ce disque. il a d'ailleurs été enregistré en live, et notre optique était clairement de retranscrire l'énergie des concerts.
C'est pour pouvoir se concentrer sur l'interprétation que nous l'avons enregistré en studio, au Drudenhaus, dans des conditions d'isolement idéales, et où Xort a fait un travail fantastique en se mettant au service du son d'une manière qui a dépassé nos attentes.
Il est vrai que jusque là, la différence entre albums et concerts était très marquée chez nous. Nous avons depuis les débuts du groupe en 2004, et parallèlement à notre discographie, développé pour la scène ce qui est devenu "occult rock". Ce disque à muri petit à petit, et à trouvé sa forme définitive seulement quelques semaines avant son enregistrement. Un exemple, parmi d 'autres: le fait qu'Albin Julius ait susurré"I love you" sur une de nos compositions de notre collaboration avec Der Blutharsch a déterminé la place de ce titre sur le disque: l'amour - l'eau- sous la volonté - le feu, complétant ainsi le puzzle et remettant en ordre les attributions élémentales de chaque face, selon notre méthode de travail de prédilection, la synchronicité appliquée à la "création".
3) Vu que chaque acte que vous faîtes se présente comme un rituel, avez-vous répondu à certains critères et certains préparatifs spécifiques?
AH: C'est la musique qui est le rituel. Elle est à la fois l'invocation et la manifestation.
4) Votre musique est très technique et virtuose. Pour vous, la musique possède-t-elle un pouvoir magique et cela doit-il passer par une maîtrise de l'instrument?
AH: La technique doit simplement permettre d'être au service de la musique. Il faut faire ce que la musique exige. Pour nous, le but est l'effet, et si cela implique un tempo mouvant, des disharmonies, de l'erreur et de la saleté, alors il faut désapprendre à bien faire. Le fait d'être tous autodidactes dans le groupe nous permet certainement cette liberté, un lâcher prise, qui permet justement de faire les choses de manière médiumnique.
Je considère l'instrument comme un prolongement du corps, donc des cinq sens, qui font partie de l'âme. Pour moi la musique magique, enthéogène, c'est de la musique soul, au sens propre, et c'est de cette manière qu'on la joue et la compose. Dans ce carde, la maîtrise de l'instrument, c'est celle du corps et par extension, ou plutôt en remontant, la maîtrise de la conscience.
5) A mi chemin entre krautrock, black metal, post-rock, noise rock ou progressif, votre musique tire-t-elle ses racines de tous ces genres musicaux?
AH: Toutes ces références, c'est une manière de décrire la musique, de la situer...
Personnellement j'écoute essentiellement Led Zeppelin, les classiques de la Tamla Motown et Magma, et je ne pense pas que cela soit immédiatement décelable à l'écoute d'Aluk Todolo, du moins d'un point de vue stylistique.µ
Car si notre musique obéit à certaines règles précises, celles ci ne sont pas musicalement restrictives, et ce qui nous inspire chez certains artistes, groupes ou courants musicaux, c'est plus une manière de faire, c'est à dire la liberté.
6) Votre parcours a été jalonné par des rencontres, notamment avec Faust, SunnO))) ou avec Der Blutharsch. Ces échanges ont-ils servi l'évolution de votre son?
AH: Non je ne pense pas. Ce qui peut nous inspirer, nous faire évoluer ou nous diriger ne saurait être d'ordre musical, puisque nous partons du principe que notre musique nous préexiste, dés lors il s'agit pour nous de la capter et de la transmettre, de manière spirite, soit incarner l'esprit en la matière, Aluk Todolo est donc à priori assez imperméable à toute influence autre que "cosmique". Cependant, nous apprécions évidemment toujours d'échanger/collaborer avec des personnes qui sont sur la même longueur d'ondes que nous.
7) Quelques mots à dire sur les choix esthétiques du disque et de sa pochette?
AH: Simplement que l'artwork n'est pas illustratif, il est complémentaire de la musique et contient certaines clés.
8) Ces cinq dernières années, vous vous êtes beaucoup déplacés dans le monde pour vous produire sur scène. Quels sont les meilleurs souvenirs que vous gardez?
AH: Mes concerts favoris sont ceux que l'on a donné à Tallin en Estonie et plus récemment au festival Stella Natura.
Les groupes avec qui nous avons partagés l'affiche qui m'ont "traumatisé" sont The Psychic Paramount, dont la musique possède des vertus psychoactives d'une puissance rare, ainsi que Murmur de Chicago. Leur batteur Charlie Werber joue d'une manière incroyable.
9) Aluk Todolo répond à un cahier des charges très spécifiques (musique entièrement instrumentale, outillage rock sans apports électroniques ou orchestraux), comment voyez-vous l'évolution de ce projet à l'intérieur du cadre que vous vous êtes fixé?
AH: Tout est possible. Ce cadre est loin d'être restrictif, bien au contraire. Cette formule offre des possibilités infinies, tout comme de la figure géométrique la plus simple peuvent naître les hallucinations les plus complexes.
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