Reviews :
obskure.com
Tout d’abord, il est utile de préciser que les K7 et CD de Jean-Louis Costes sont le support de performances incroyables où le spectacle prend enfin sens. La qualité sonore est donc fortement en retrait, car ce n’est pas ce qui compte. De même, les effets sonores ne se sont pas spécialement renouvelés pour cette « Œuvre Au Noir ». Précisons aussi que Costes l’incompris est depuis longtemps (Il tourne depuis 1985 ) la cible et des anti-racistes et des fachos.
Le premier titre reprend des thèmes de l’hymne national français : après une défaite, les meurtres et les viols ont détruit la famille et il ne reste plus qu’à manger l’enfant qui reste en appelant à la vengeance.
On entre plus dans le domaine du metal sataniste et antisémite avec un deuxième titre très drôle où Costes tape sur cette mode où l’enfer serait une donnée « cool », comme un logo dans le dos ou une pochette de disque. Prétexte à exutoire, la future mise en scène est déjà envisagée : il lui suffira de se précipiter sur un éventuel provocateur afin de lui prouver que la souffrance et l’humiliation publique sont des épreuves insoutenables. Les guitares et synthés en boucle créent un univers industriel flippant, angoissant. La description de « L’Enfer » qui suit, l’Empire du Mal, interroge peut-être notre fascination morbide qui, des troupes de l’Etoile noire au système nazi, supporte et fait une place au Mal. Tout est enfer : de la famille à l’école. Ce simplisme érigé en système, typique du monde adolescent attire l’attention sur une utilisation de plus en plus galvaudée du vocabulaire. Les mots perdent leur sens, détruit par des utilisations inadéquates. Qu’est-ce que l’Enfer, exactement ? Peut-on définir ce qu’est la souffrance sans l’avoir vécue ? Peut-on jouer avec ?
Dans ce CD, Costes quitte cependant la diatribe anti-religieuse qu’il avait savamment orchestrée avec son spectacle « Le Culte de la Vierge sans Poil ». Les données Bien et mal, Enfer et Paradis, dont il sera question, sont vidées de leur contenu mystique. On est cette fois de plein pied dans le réel, le vulgaire.
A fond dans le grossier (et le rire énorme d’un Pantagruel), la virilité absurde du titre « Grosse Queue d’Aryen », sera certainement prétexte à un strip-tease violent. Les insultes fusent, « PD » et « Enculés ». Homophobie de principe, naturelle, haine de celui qui est soupçonné de mettre en danger sa propre virilité. Au détour d’un morceau, Costes nous oblige à nous souvenir que tous les racismes se valent, ceux liés à l’orientation sexuelle, politique (« Coco », « Gauchistes »), ou à l’origine géographique (« bandes d’immigrés »). Le refrain joue du mythe de l’aryen venu de très loin, qui se résume à une sorte de barbare à peine humain. La violence des cris, des hymnes nous propulse dans un stade plus qu’une salle de concert. La musique déborde, éjacule en longs jets dysharmoniques.
Le sadisme enfantin sert de fil conducteur au texte suivant : bougies et souris font pleurer et jouir. On entre dans un domaine plus facilement abordable, grotesque, à l’humour digne des farces médiévales. Un titre hors-jeu, car très peu contraignant psychologiquement ?
Après cette transition, on passe au monde des chasseurs et le chien est lâché. Costes aboie tant qu’il peut. Pour ceux qui douteraient du bien fondé politique de l’homme derrière le performer, ce titre ne peut que les éclairer : folie, rire plus que méchanceté, absence d’un discours construit. Costes ne donne pas la parole aux extrêmes mais dévoile au grand jour leur motivation unique : la haine, primaire, idiote et vide de conceptualisation. C’est bien sûr un homme qui est chassé. Il n’est d’ailleurs plus nommé « homme » il se transforme déjà en « coco, juif ou arabe ». Déshumanisation, généralité, masque collé sur le visage pour empêcher de voir qui est l’Autre ; le racisme se cache déjà sous ces appellations, ces stigmatisations. « La Chasse A L’Homme » se poursuit avec le titre le plus dur de tout l’album. Notre Elmer (vous savez le chasseur de Bugs Bunny) imite les cris de l’animal « nègre », de l’animal « bicot » afin de massacrer les éventuels survivants d’un massacre. Obéissance aveugle aux ordres « venus d’en haut », refus des responsabilités personnelles… A l’heure où des individus se livrent à des safaris le samedi soir – un récent fait-divers (mais n’est-ce qu’un fait divers quand un homme meurt ?) s’en est fait l’écho – Costes nous plonge dans le cerveau malade d’un tueur. Souvenirs de massacres en Algérie, quand des villages entiers étaient rasés, brûlés, rayés des cartes. Puis on plonge dans un autre cerveau malade, celui d’un benêt de la cité qui est mis en scène, cherchant « L’enculé de blanc de Costes » et « le PD de Français » à travers un local poubelles. Le simplisme des QI abordés explose et transforme en gag frontiste cette chasse. Qui rira à ces mots ? Qui pourra supporter cette haine exhibée ?
J’ai ri, oui. C’est le seul moyen d’espérer survivre à un tel déferlement. Et si je ris ; si je supporte un tel titre, alors Costes a peut-être gagné. Peut-on s’habituer à ces termes, à ces insultes ? Il n’est pas loin le temps où un Michel Leeb faisait pleurer de rire la France entière avec ses blagues plus que border-line qui imitaient des accents… Les blagues des pied-noirs sur les Arabes, leurs femmes, les blagues sur les juifs et les « çai-francs », le racisme ordinaire, de tous les bords, existe. Costes nous met en pleine face ce moment exact où le rire se transforme en approbation tacite. Les propos de Costes nous révulsent ? Ils ne sont que la suite, que l’aboutissement des pensées d’un trop grand nombre. On voudra encore taire, passer sous silence ce que transmet Costes. On préfèrera sans doute gloser ces phrases plus que provocantes, outrageantes, blessantes, insultantes… On préfèrera ne pas réfléchir, ne pas voir que ces phrases existent pourtant.
Le titre suivant marque une pause, Costes en appelant à son propre génocide, jouant de la peur identitaire du sang mêlé, de la reproduction - invasion, sperme en rafale sur les rangs, très certainement. Un titre plus punk nous précipite ensuite dans l’ambiance de la horde et ses rythmes sauvagement binaires testent notre goût pour l’effet de foule. Costes pose les bonnes questions. Où est la limite, quand bascule-t-on d’un simple concert, d’une simple envie de faire partie d’une tribu à cette autre pulsion : détruire ceux qui n’en sont pas ? On imagine facilement un spectacle avec une massue pour cet « Age De Fer », âge de guerre.
Car l’art de Costes (indépendamment de la dimension politique, humaine de son travail), c’est de rendre visuel ce qui n’est que sonore, c’est de bâtir une œuvre riche de sens et d’interprétation, de glisser le spectateur dans un état de transe, de fureur salvatrice. Manson, lorsqu’il dénonce l’adulation christique avec les armes du christianisme, s’enlise dans son rôle et fait basculer son public vers une même aliénation : Manson devient idole alors même qu’il dénonçait l’idolâtrie. Costes, lui, ne devient jamais une idole, il n’est qu’un support à nos fantasmes fait chair. Quand risque-t-on de basculer vers le racisme ? Quand donne-t-on accès aux idées simplistes ? Le raciste n’est pas différent de nous, c’est trop facile de stigmatiser, de rejeter avec des cris ces voisins qui pensent différemment. Nous pourrions aussi être raciste, nous pouvons le devenir. Comment ? Mais de façon toute ridicule montre « Lynchez-les » : notre ordinateur ou notre télé qui explose, la voiture brûlée, les vacanciers qui nous narguent, la queue à la Poste, les tarifs d’EDF, les pantins politiques… Autant de fausses raisons qui font qu’un individu peut décider de frapper son voisin. Croyez-vous vraiment que des arguments plus profonds motivent les inscriptions racistes de toutes sortes qui défigurent nos villes ?
« A Mort » dresse une synthèse de la situation à ce moment du futur spectacle, de la haine partout, des innocents massacrés partout, des hurlements qui réclament une mort pour tous, y compris l’auteur des faits : « Le jour de gloire est accompli, je peux mourir en paix ».
Une nouvelle couche sur les adolescents dépressifs qui ne reçoivent aucune aide de parents incompréhensifs et s’inventent des amis imaginaires plutôt agressifs (« Diabolica »). Une petite prière pour se faire pardonner et redevenir « pur » (« Vêtu De Blanc »). Un grand moment de déprime avec « Tout Nu Face Au Trou », bilan d’une vie vue à travers le prisme de l’échec. Le personnage joué par Costes chantonne, plus autiste que jamais. Une tentative de suicide amène la résurrection des ancêtres (« Le Sang Sur La Crotte », un sketch à l’humour scatologique). La suite est musicalement plus terne (synthés pompiers) : une prière à Marie, un incendie généralisé, un final raté.
On ne peut qu’être choqué et il faut plusieurs tentatives pour accepter de rentrer dans cet album. Costes demeure un performer hors pair, un agitateur d’idées emblématique, réfléchi. Ses provocations qui s’adressent majoritairement à un public déjà convaincu poussent à aller au-delà des simples schémas. Salutaire, comme toujours.
Par Sylvaïn
lordsofwinter.com
C’est au travers d’un artwork orienté black métal que Costes revient avec « Œuvre au noir », un opus suintant la rage la plus crûe et la plus sincère. Ici rien n’est musical mais tout est artistique, Costes s’imprégnant des pires émotions pour les transmettre à un public forcément ébahi par tant de cynisme teinté de bon sens. Son œuvre folle désoriente, avec notamment des chansons comme « Chasse à l’homme », au lyrisme certain, et qui, au moyen d’histoires sordides d’ultra racisme, fait autant rire que réfléchir.
L’intérêt de l’œuvre de Costes ne réside ni dans ses qualités musicales, puisqu’elles sont inexistantes, ni dans le message qu’elle véhicule, puisque Costes a plutôt tendance à défoncer des portes ouvertes. La vraie force de Costes se trouve dans sa faculté incroyable à se mettre dans la peau de ses personnages, à conter á travers eux des comportements et des histoires terribles et notamment à expliquer le racisme sans le justifier. « Lynchez les » me parait être le morceau le plus virulent et paradoxalement le plus subtil. Il narre les sentiments d’un homme totalement oppressé par les terreurs futiles quotidiennes, comme la frustration suivant les plantages intempestifs d’un PC, qui finit dans la pire des rages homophobes et racistes et se met à buter des vieilles dans la rue.
L’œuvre de Costes me semble beaucoup plus oppressante et agressive moralement que le plus virulent des Black Metal. Costes par ses mots, et l’intensité avec laquelle il les exprime, trouble totalement l’auditeur et asséne quelques vérités comme dans « Jouer au nazi », oú il fustige avec talent les mœurs absurdes du Black Metal. (« Vous croyez que l’enfer c’est un logo dans le dos ? C’est une pochette de disque ? ») .
Par son art minimaliste et tranchant, Costes radicalise le désespoir pour le transformer en haine. Plus qu’un simple agitateur, Costes est un véritable artiste, qui par la révulsion et l’outrage, exprime son mal être le plus sincère sous une forme semblable á ce qu’elle tente d’exprimer. Pas besoin d’attrait, ni de séduction. Juste la vérité, celle de Costes en tout cas, dans toute son épure, sa nudité, ses éclats.
7/10
(Prometheus - 11/04/2005)
lahordenoire.free.fr
Le logo de la pochette ressemble un peu à celui de Black Funeral mais ceux qui ne connaissent pas Jean-Louis Costes risquent d'être désappointés... Pas facile de présenter ce que l'on a ici. Il ne s'agit pas vraiment de musique et Costes n'appartient pas à cette scène. Comme le précise le label Amortout (label de black metal fondé par des membres de Diamatregon) qui a eu la bonne idée de tenter cette expérience inédite, probablement de par son intérêt pour Costes, et la volonté de présenter Costes à la scène metal extrême ayant peut-être vu une possibilité de passerelle avec la scène metal extrême, Costes est un "extreme performer of life", un artiste extrême donc. Ceux qui ne le connaissent pas peuvent aller voir son site. Par un heureux hasard, j'ai découvert Costes (par un metalleux d'ailleurs) il y a quelques temps peu avant la sortie de cet album sinon il est probable que j'aurai été extrêmement désappointé au premier abord. Cet album est en fait né d'une proposition faite par Amortout à Costes. Mais Costes n'a pas pour autant été aliéné par Amortout?!? On retrouve ce qui caractérise Costes qui a déjà fait plus de 14 disques accompagnés de performances toutes aussi extrêmes et déjantées. Les thèmes de prédilection de Costes sont principalement la scatologie, le sexe, la parodie aussi car souvent on a l'impression d'avoir à faire à des sketches quoique extrêmement déjantés. Ici comme le précise Amortout, Costes s'est centré sur le malsain et le dérangé, déjà bien exploité mais en l'orientant peut-être vers le monde du black aussi: par exemple, dans "Diabolica" Costes évoque "les gens en noir", c'est assez caricaturé et parodique; "Lynchez les" évoque une tuerie aveugle en pleine rue,... On va dire qu'ici Costes a fait ressortir pour ce disque ce qu'il a de plus malsain et dérangé ce qui était l'objectif mais sans vendre son âme (mais en a-t-il une?!?) puisque c'est avant tout du Costes. Cette musique est avant tout une musique nihiliste; rien de black metal là-dedans sauf peut-être dans les bruitages de fond assez chaotiques et malsains, avec parfois de vague sons de guitares destructurées ou de batteries, sorte de musique expérimentale industrielle. Initialement, j'avais lu un communiqué comme quoi Costes se mettait au black metal suite à une écoute de Bethlehem (dont le label a sorti un 45 tours dernièrement), groupe malsain et dérangé, mais bon on reste loin du black metal quand même, autant musicalement que dans le folklore, donc ça reste deux choses différentes. En conclusion, Costes propose des sortes de sketches déjantés, dérangés et dérangeant, malsain bien que qu'en même temps drôles car vraiment déjantés et énormes. Concrètement c'est donc une musique chaotique, bruyante, parlée, souvent hurlée, évoquant un nihilisme total, celui de notre homme moderne. Costes est d'ailleurs vraiment urbain dans sa façon de s'exprimer et parle d'ailleurs du monde qui nous entoure sans représenter un parti-pris sur le monde si ce n'est le néant: il nous parle aussi bien des nazis que de toutes les communautés ethniques, le tout avec des bruitages chaotiques. Une évocation extrême de notre époque!
Adnauseam
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